Démarrage de Marouette sous grain. Déluge, peut-on dire. Dès la sortie de Bayonne, on constate que les montagnes lointaines apparaissent sèches, archi-sèches. Sûr qu'il ne va pas pleuvoir en Espagne !
Vous connaissez le topo : Peio et son clone Biok, Oxondo puis la piste américaine, défoncée comme il se doit, suivie cahin-caha et bringuebalant jusqu'à Itzulegi (710 m). Sous le soleil, une petite saynète d'accueil improvisée par une troupe de chevaux locaux, du majuscule étalon qui se croit le père, au minuscule rejeton, convaincu de ne pas être le fils du monstre. Comment exprimer sa tendresse envers les plus petits autrement que par quelques belles ruades et autant de hennissements et frémissements des naseaux ? Le lieu grouille de vie. En dehors de nous 15, si un Charlie-whisky, montagnard-girondin, reste claquemuré dans son spacieux camping-car à rideaux et à paratonnerre, les oiseaux sont déjà au boulot dans les cieux.
Sur un beau chemin dallé en légère pente, nous parvenons aux cabanes d'ermites blotties dans une clairière à l'abri d'un petit éperon rocheux (820 m).
Le sentier part, horizontal mais tourmenté ; il nous fait visiter le bois de hêtres qui survit dans les ravins NO de la redoutable chaîne du Gorramakil. Il faut se frayer un passage le plus souvent dans un chaos de roches glissantes, de coulées de mousse, de ruisseaux inquiétants, en sommeil, d'arbres multi-troncs, en cépées ou en taillis, quand ce n'est pas carrément en chablis. Beaucoup de ces hêtres sont par terre et exposent tragiquement des racines maintenant inutiles. D'autres encore, debout, prennent un malin plaisir à provoquer le promeneur trop confiant, par un soudain croche-patte sous des feuilles pourries.
C'est là, tapie, que la bouillée ( genre de bouquet en désordre ) de lathrée clandestine rase tente de survivre sous les semelles à la honte du pléonasme.
( lathrée viendrait du grec signifiant clandestin ).
Les discussions vont bon train en cette journée particulière à plus d'un titre comme on le verra plus tard. Quand nous sortons du bois, c'est un éblouissement.
Banane encore à l'abri de la paroi.
Dans le dénuement de la haute montagne, c'est le col de Burdingurutz et un peu plus haut le Barda, majestueux sommet bombé, qui s'avancent à notre rencontre.
Le vent, messager du Dieu des cimes pour les anniversaires, s'invite à son tour, nous obligeant à nous couvrir dare-dare. Ce Bardakasko (949 m) n'est finalement qu'une bosse vite avalée. Les premiers de cordée sonnent sa cloche pour encourager les poursuivants. Regroupement. Longue admiration collective du panorama. Immortalisation de l'événement par pixellisation de groupe.
Le but de la promenade est à portée de pied : une grosse masse de rochers inégaux, sortant du gazon à quelques encablures : l'Irubelakaskoa.
Courte descente en deux files indiennes jusqu'au col Gorosti aussi appelé Lizardiko lepoa (813 m). Le chemin plus herbeux du bas aura permis à l'héroïne du jour de nous ravir avec une figure de gymnaste parfaitement exécutée, nommée selon les régions, culbute, cabriole, cumulet ou encore cormuseau ( dans mon enfance, en Bretagne, je faisais des " bataties " Mado.). On a attribué des médailles pour moins que ça !
Un peu de hors piste sur racines dans le bois à gauche, d'où sourd Lizardi erreka, pour épargner les genoux en évitant la bosse qui se dresse avant le col de Gorbett, ainsi atteint facilement (830 m).
Après, c'est selon l'envie. On se fait l'arête où on prend la pente sur le joli sentier à flanc. Deux personnes n'iront toutefois pas au sommet, attendant calmement le retour des ascensionnistes.
Il fallait en être, de cette grande fête mondaine organisée sur le pic plat comme la main aussi appelé Alkaxuri (entre 960 et 970 m selon les époques et les auteurs).
Champagne grand cru et petits fours offerts par Mado qui célèbre à cet instant ses 80 ans sur l'un des toits du Pays Basque maritime. L'allumage des bougies n'est pas immédiat, mais un briquet vient au secours des allumettes humides. Émotions, effusions, congratulations, chanson de circonstance au moment où les bouchons s'envolent bruyamment vers le domaine des vautours. Nouvelles photos. Le soleil veille sur le bon déroulement de la cérémonie.
Il est temps de redescendre d'un palier pour rejoindre les personnes qui sont restées, si l'on peut dire, à la maison. Il s'agit d'un studio où les meubles sont aussi les murs. Pas de porte, pas de fenêtre. C'est le grand confort pour qui a faim. Repas somptueux à l'heure espagnole. Gâteau au chocolat, cake aux variétés de persils renforcées, diverses friandises...
Nouveau tour de chant. La cheffe de chorale tente même l'interprétation à plusieurs voix, et en canon. Très réussi. Aucun voisin bougon pour taper au plafond.
( Et cette fleur, la Soldanelle velue (Soldanella villosa), également appelée Grande soldanelle est une espèce réglementée de plante vivace endémique du Pays Basque et des Monts Cantabriques ! MADO.).
Le retour se fait presque par le même chemin. Plus ou moins facilement pendant la digestion qui fatigue les genoux en premier. Avant de descendre dans les talons, l'estomac transite en effet le long des membres inférieurs.
Itzulegi n'a pas changé. Le centre d'affaires Dantxaria s'est peuplé.
Retour à Marouette dans la chaleur et sous le soleil.
Que demander de plus pour un défilé du premier mai !
Merci à notre guide qui n'a perdu, une fois de plus, personne en chemin ; à la jeune Mado pour son dynamisme souriant. Et aux autres, toujours sur la bonne longueur d'onde, pour leur légendaire bonne humeur, même dans la douleur.
Distance : 11,7 km. Dénivelé : 650 m.
Jean-Louis L.
Photos :
Jean-Louis.
Mado.