Photo prise sur internet.
Au sud de la Chine dans le prolongement au nord du Guangxi à l’est du Yunnan c’est une province pauvre, presque oubliée, bien que déjà les projets (en marche) de développement du réseau autoroutier gigantesque vont désenclaver rapidement cette région et faire du tourisme de masse la nouvelle ruée vers l’or. Pour l’instant ce petit paradis ethnographique (18 minorités) sommeille encore dans un paisible environnement grâce à des routes défoncées et un relief accidenté qui empêchent l’invasion des bus de touristes .
Si faire ce tourisme-là relève de conditions spartiates, d’un confort des plus rustiques (au mieux!), d’un grand bond en arrière (saut périlleux!), d’une gastronomie parfois bizarroïde et parfois haut le cœur (gasp!), on est largement récompensés par le dépaysement rural et ce patchwork ethnique riche en couleur dont les fêtes traditionnelles font exploser toute la différence avec le monde Han .
Chez les Dong à Zhaoxing
Comme partout chez les Dong (voir guangxi) on retrouve d'énormes structures en bois, tour du tambour et pont du vent et de la pluie . Ces structures jouent un rôle dans la cohésion sociale, les gens s'y retrouvent quotidiennement : jeux, fêtes, repas …
L’indigo, c’est coton et on n’y voit que du bleu !
Le nom d’indigo issu de l’indigofera la plante, vient du grec indikon et du latin indicum : de l’Inde et de fera : porter.
L’indigo naturel peut être extrait de nombreuses plantes : l’indigotier ou Indigofera tinctoria (originaire vraisemblablement d’Inde), chez nous le pastel ou Isatis tinctoria, la Persicaria tinctoria( indigène en Chine) …. Il semble intéressant de noter que des familles différentes de plantes (dans l’ordre fabacées, Brassicacées, Polygonacées) ont évolué en convergence pour former les mêmes composants chimiques.
Pour l’histoire : la culture industrielle de l’Indigotier au 17° siècle a mis à mal notre culture du pastel, puis la synthèse chimique à la fin du 19°, avec l'arrivée des jeans sur le marché, ruina toutes les cultures d’indigo végétal .
La Persicaire ou Renouée des teinturiers est utilisée depuis la nuit des temps en Chine (Dynastie des Zhou -1045 -771 BC).Elle reste associée à présent aux ethnies du sud et de l’ouest de la Chine : Miao, Yao, Bai Yi et Dong pour la confection de leurs vêtements traditionnels.
Elle fut ensuite introduite au Japon où elle est encore utilisée puis en Corée, Vietnam. Elle est plus intéressante que le pastel car elle contient beaucoup plus d’indigotine ( 3 à 5 fois plus) mais seules les régions tropicales ou subtropicales lui conviennent parfaitement car elle craint le gel, a besoin d’eau en période végétative et la production des composants chimiques est activée par la chaleur .
Là : ça devient coton…
La plante ne possède pas le pigment colorant dans ses feuilles mais le précurseur (indican) incolore libéré lors du broyage et fermentation des feuilles dans l’eau (8 jours environ). Ensuite, on ajoute de la chaux éteinte et on remue le tout pour oxygéner l’ensemble. L’indican subit une hydrolyse, donne l’ indoxyle qui, en présence d’oxygène se transforme en indigotine (indigo par extension), insoluble dans l’eau et qui précipite sous l’action d’une base. Le précipité (une pâte ) est séché et réduit en poudre bleue. Les difficultés ne s’arrêtent pas là. Insoluble dans l’eau la poudre d’indigo doit subir une réduction par l’urée fermentée pour former l’indigo blanc (leuco- indigo) qui en présence d’oxygène (l’air) se retransforme en indigo bleu intense. Il faut ensuite fixer la couleur par la chaleur vers 390°(le tissu est roulé et mis dans des récipients en bois et étuvé). Enfin, c’est du moins une des recettes dont j’ai essayé de suivre les étapes en pointillés avec la réalité du terrain, une pointe d’explication en chinois (damned !) et quelques lectures. Je ne garantis pas la justesse de mes propos !
Non seulement le processus est complexe et secret (on garde sa recette dans chaque famille), il faut cueillir les feuilles, faire macérer, remuer, utiliser des produits toxiques mais effectuer plusieurs bains successifs (jusqu’à 8). Certaines femmes battent le tissu après coloration pour faire pénétrer la couleur dans les fibres.
Il faut éliminer le surplus dans l’eau, souvent à la rivière, étendre, fixer avec la chaleur et après tout cela il faut battre le tissu (calandrage) sur des pierres plates devant sa porte avec des maillets en bois pour lustrer le tissu (sorte d’iridescence) et faire bien pénétrer la poudre d’indigo .
La vie de ces petits villages du Guizhou est rythmée par le son des maillets qui s’acharnent continuellement sur ces mètres de tissu, parfois c’est une musique à deux mains en solitaire, parfois à quatre ou six mains entre copines pour un travail qui vous rend marteau … !
LE RIZ.
Cultivé en Chine depuis 4000 ans le riz gluant ou riz glutineux ou riz doux est une variété de riz riche en amylopectine ,un composant de l'amidon . Une fois cuit les grains sont assez collants d'où le nom de gluant mais si le nom est peu engageant c'est pourtant un vrai délice . Il a l'avantage de ne pas contenir de gluten . Il est cultivé abondamment dans la province du Guizhou et au mois d'octobre la récolte bat son plein . Les épis sont coupés un par un à la main grâce à un petit couteau et assemblés en deux bouquets noués ensemble . Ainsi les gerbes constituées sont plus facilement transportables et entreposées dans des greniers à riz sur des traverses .
On peut le manger de différentes façons, cuit vapeur avec du porc ou poulet enveloppé dans les feuilles de lotus. On en fait de la farine aussi qui sert à la pâtisserie. On fait aussi du vin doux style porto, du vinaigre délicieux.
Vous imaginez bien que tout ce riz doux attise bien des convoitises et que, malgré les pilotis des greniers, les astuces comme des plaques de métal installées sur les montants, les rongeurs ont trouvé là l'Eldorado.
Au menu à Zhaoxing, il y a du rat, non pas n'importe quel rat, du rat bio, bien dodu, élevé au riz doux du Guizhou. Il suffit de brûler à la flamme les poils de la bête pour bien dorer l'animal. C'est l'activité matinale devant les restaurants, ça vous titille l'appétit ... non ?
Françoise, la fourmi.
Les photos : lien.