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2 juin 2015 2 02 /06 /juin /2015 07:58

Prenez trois solides voitures. Conduisez-les à travers Labour, Basse-Navarre et Pays de Cize, par-delà Saint-Jean et Esterençuby, dans la haute vallée de l'Esterenguibel, sur routes puis pistes. Dépassez Ezpelchilo, parvenez jusqu'à un pont jeté entre les deux rives d'Intzarraguyko erreka, torrent que vous vous garderez de franchir. Trouvez-y un joli parking, à l'orée d'un bois, vers 390 m d'altitude. Coupez le contact. Enfilez vos chaussures au bruit du ruisseau. Prenez vos sacs ; saisissez vos bâtons. N'oubliez pas de ranger les clés dans un endroit sûr. Et c'est parti, à 13, sur la piste en lacet qui serpente d'abord sur le flanc d'un coteau de fougères.

 Pic d'Irau depuis la vallée d'Esterenguibel. Jeudi 28 mai 2015.
 Pic d'Irau depuis la vallée d'Esterenguibel. Jeudi 28 mai 2015.

Le terrain dégagé permet d'admirer rapidement notre but de promenade, massif, haut perché, puis une guirlande de poteaux métalliques qui relient sans doute, sur notre droite, la saugrenue installation d'Etchebarnea à Sallaberria et à la civilisation, outre de nombreuses crêtes et encore plus de moutons. Après une bretelle de raccordement, cette même piste se faufile dans la partie hêtraie de Bortiguibeley, Il fait beau. Temps idéal pour la promenade : ombre et soleil, petit vent. Les oiseaux gazouillent. Nous parvenons ainsi, vers 710 m, au-dessus d'une série de bordes en activité, comme en témoignent l'odeur et la présence d'un troupeau sur la clairière herbeuse. Endroit propice à la banane. La piste se transforme en sentier, soudain dans une chênaie, jusqu'au col d'Errekacharo, à 900 m, qui sera franchi à travers une brèche monumentale pratiquée dans le poudingue.

 Pic d'Irau depuis la vallée d'Esterenguibel. Jeudi 28 mai 2015.

Nous passons sur la face est du pic d'Irau qui pointe son double nez un peu plus haut. Le Behorlequy est dans un nuage, alors qu'au premier plan, la route qui mène de Lecumberry au col de Burdincurutcheta est bien visible, sur l'autre rive de Gasnateguy et Harrigorrizola son affluent qui coulent dans le canyon. Quelques vautours sont de sortie, en mission de surveillance de l'espace aérien du col d'Irau qu'on aperçoit à peu de distance. On ne sait jamais, un mouton ou un randonneur peut constituer un bon repas ! En colonne, c'est un jeu d'enfant de franchir petits ressauts rocheux ou coulées de terre, dans un paysage pentu, sauvage et fleuri.

 

Les cabanes du berger, de style hétéroclite et tôle ondulée, sont nichées un peu au-dessous du col, vers 1000 m. Chiens, chat, volaille, ânes et moutons sont bien présents. La ferme des animaux où les cochons chargés du petit-lait n'auraient pas encore pris le pouvoir. Le maître des lieux nous surprend en pleine visite et nous fait les honneurs de son domaine. C'est la partie nature et découverte. Une sorte de classe verte. Les élèves sont émerveillés par tant de solitude et par la rigueur du climat supporté en ce lieu. Les opérations commerciales sont reportées après le repas.

 Pic d'Irau depuis la vallée d'Esterenguibel. Jeudi 28 mai 2015.

Quelques uns jettent l'éponge, décidés à profiter plus longtemps de ce havre de paix, pendant que les autres entreprennent l'ascension finale du jumeau sud d'Iraukotuturru, le plus haut (1152 m) et cependant le plus accessible. C'est une montée dans l'herbe grasse émaillée de plaques rocheuses, décorée d'une stèle à la gloire d'une certaine Olaia morte on ne sait pourquoi dans la force de l'âge. Une pente douce où chacun fait ce qu'il veut pour arriver, sur parcours libre non balisé. Splendide paysage de montagnes, bois et pâturages. Le pic nord fait froid dans le dos. Au contraire, Iraubartera et Iraunaba brillent dans un marécage, au pied de l'Occabe majestueux. Ils paressent vers l'Espagne. L'Errozate reste caché. Des cayolars bordent la route d'altitude D 301 qui passe à nos pieds, parcourue par quelques cyclistes performants. Il est temps de redescendre car la photo de groupe est dans la boîte et la faim se fait sentir.

 Pic d'Irau depuis la vallée d'Esterenguibel. Jeudi 28 mai 2015.

Nous revoilà à la ferme de notre berger à l'heure de casser la croûte. Repas devant un spectacle de toute beauté. L'appétit est bon et arrosé.

 

Vient l'heure d'un nouveau contact avec le pasteur/transformateur de lait de brebis en fromage, que nous nommerons P., pour simplifier. Il est à la tête de 300 moutons dont la moitié en état de produire du lait. Il a revêtu son béret officiel de vendeur. Le prix au kilo est affiché TTC. Le fromage est divisible par 1, 2 ou 4, ce qui laisse le choix à la clientèle qui ne serait pas motorisée. Les chiffres inscrits sur un fromage rappellent le nombre entier de jours séparant le 22 décembre 2014 (t0) de sa date de fabrication (t). Plusieurs fromages pourraient donc porter la même marque qui ne constitue pas un numéro de série. De plus, cette marque n'est pas reportée sur tous les demis ou les quarts de fromage vendus. Traçabilité ? Commission Européenne ? Iraty dégusté en fine lamelles découpées avec maestria par P., le chevalier de la Table Ronde et Rouge, puis tartinées d'une délicieuse gelée relevée, accompagnées d'un Buzet bien charpenté, élégamment offerts par une généreuse confiturière. Bonne idée de cadeau pour la Fête des Mères, encore que le fromage ne vaille pas les nouilles pour faire des colliers.

 

Comme d'habitude, les adieux sont déchirants. On se promet une revoyure, peut-être dans une semaine, en tout cas à l'automne ou pour le fameux fromage de Noël. P. tente bien de retenir une de nos promeneuse en recourant au subterfuge dérisoire de la petite cuillère oubliée. Rien n'y fait.

 

Il est l'heure de descendre pour ne pas arriver en retard aux dîners en ville. Quand on aime bien à l'aller, on apprécie encore plus le retour par le sentier taillé dans la montagne. On chemine sans encombre jusqu'à Errekacharo. Il a suffi de passer le film à l'envers. Un petit toboggan contournant la brèche de ce col nous permet de rester sur la crête où on se régale sur une trace facile qui laisse le loisir d'admirer un immense paysage vers le nord-est, enfin dégagé... La forêt de chênes à gauche, la paroi dénudée à droite vers la vallée encaissée où se reposent Idioinako bordak (494 m) sur un lit de vertes prairies et vers lesquelles se jette dans le vide une bande de bitume depuis le col d'Haltza (782 m). Quand je dis dénudée, c'est un abus parce que le haut de cette face est littéralement couvert d'une pépinière de chênes très drus. Que le lecteur égaré sur ce site ne soit pas inquiet : à cet instant, il n'est plus question de précipice. C'est comme cela que nous atteignons la dernière bosse à 729 m. Nous la frôlons le long d'une pente boisée pour dévaler un bon chemin qui nous ramène, à travers les fougères, sur la piste en lacet du matin, à l'entrée du bois de hêtres de Bortiguibeley.

 

Formalité que de rejoindre les voitures, de là Esterençuby pour une halte à la fontaine, face à l'église, puis Marouette.

 

Beaucoup de belles choses qui participent à la floraison de l'âme. Tous les sens en éveil, loin des trépidation du BAB. Un temps comme il sied. Un parcours somme toute assez aisé puisqu'aucune chute n'a été rapportée, probablement en raison de la très grande solidarité qui a prévalu dans le groupe tout au long de cet extraordinaire trajet, loin des sentiers battus et rebattus.

 

Distance : 13,5 km. Dénivelé : 880 m.

 

Remerciements à Anita, guide si inventive, aux autres randonneurs qui me supportent tant bien que mal, à l'éditeur BA, à la dynamique directrice de publication M., à Alphonse D. qui a laissé disponibles six jours de la semaine, dont le jeudi, pour conter des salades, à J.-P. Brana fin connaisseur de l'âme, enfin à mes parents sans qui rien n'aurait été possible.

 

Jean-Louis L.

 

Photos :

Claudine A.

Jean-Louis.

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